Publié le
5 juillet 2016
Nicolas, Compositeur dans le domaine du jeu vidéo

Nicolas de Ferran est diplômé de la formation Music & Sound Design depuis 2015. Il nous parle de son parcours et du métier qu’il exerce aujourd’hui, celui de Compositeur notamment dans le domaine du jeu vidéo.

ISART BLOG : Hello Nicolas, pour commencer, peux-tu nous présenter le métier de Compositeur ?

Tout simplement, un compositeur est une personne qui écrit de la musique. C’est un métier qui peut s’appliquer dans beaucoup de domaines comme la chanson, la musique de concert, la danse, le théâtre ou bien dans mon cas : la musique à l’image.

Dans ce cas-là, le compositeur est la personne chargée d’écrire la musique qui accompagnera une œuvre visuelle (film, jeu vidéo, pub, etc.). La musique a donc pour rôle de renforcer la narration en donnant des informations supplémentaires que les images ne peuvent pas toujours fournir.

IB : En quoi est-ce une particularité de composer de la musique pour un film ou un jeu vidéo ?

En tant que Compositeur, nous sommes au service du film ou du jeu avant tout. Il faut réussir à comprendre ce dont le projet a besoin musicalement et penser à la dramaturgie : est-ce que je mets de la musique ici ? Si oui, comment la musique doit-elle se comporter ? Est-ce qu’il faut créer un contraste avec l’image ou est-ce qu’il faut aller dans la même direction ? Comment va-t-on influencer l’horizon d’attente du spectateur ? Qu’est-ce qu’on veut ou non révéler par la musique ?
Il faut également bien connaître le médium pour lequel on travaille. Par exemple, quand on travaille dans le jeu vidéo, être joueur soi-même est très important. Il faut pouvoir comprendre et anticiper ce que le joueur ou spectateur va possiblement ressentir à l’écoute de notre musique et pour ça, il faut l’avoir expérimenté soi-même.
De plus, dans le cas du jeu vidéo il y a un côté très “technique”, car on travaille avec des moteurs de jeu et des moteurs audio afin que la musique soit interactive et qu’elle s’adapte aux actions du joueur.

IB : Comment as-tu découvert ce métier ?

J’ai toujours aimé composer de la musique mais c’est quand j’ai eu l’opportunité à 19 ans de composer de la musique pour une pièce de théâtre professionnelle que j’ai vraiment découvert les joies de ce métier.
J’ai eu un parcours étudiant assez long ! Après mon bac, j’ai étudié pendant cinq ans à l’American School of Modern Music à Paris où j’y ai appris l’harmonie, la composition et l’arrangement (plutôt axé jazz), puis ensuite je suis parti aux USA à Berklee College of Music (Boston) où j’y ai étudié le contrepoint, la composition “classique”, l’orchestration et la musique à l’image. Ensuite je suis passé par ISART pour me spécialiser un peu plus dans le jeu vidéo, et voilà ! J’ai travaillé sur mes premiers gros projets pro alors que j’étais encore étudiant à ISART et depuis je suis resté sur cette lancée.

IB : Pourquoi ce métier te plait-il ?

C’est un métier passionnant et chaque projet est une expérience nouvelle. On apprend beaucoup d’un projet à l’autre et personnellement je ressors grandi de chaque nouveau boulot. Paradoxalement, j’aime aussi le côté “instable” du métier. C’est un peu stressant mais ça me force à me bouger un maximum !
Et ce que je trouve très agréable, c’est que comme pour tous les métiers artistiques, on est éternellement étudiant. Il y a énormément à apprendre et même avec toute une vie d’étude, on ne fera jamais le tour du sujet. C’est l’une des raisons pour lesquelles beaucoup d’artistes restent jeunes dans leur tête même à 80 ans 🙂 Ça me rassure un peu pour les années à venir haha !
2 fois par semaine c’est Soccer Time, et le soir let’s go to the GYM. J’adore cette ambiance de travail, de cohésion de groupe. Si je devais résumer mon job, c est HAVE FUN and HARD WORK.

IB : Sur quels projets as-tu travaillé ?

Depuis 2013, je travaille principalement pour la TV et le jeu vidéo indépendant. Je travaille très régulièrement pour France 3, France 2, France 5, M6… J’ai de la chance de composer de la musique pour des émissions comme “Des Racines et des Ailes”, “Thalassa”, “Enquête de Santé”, etc.
Du côté du jeu vidéo, je travaille majoritairement avec des studios indépendants un peu partout en Europe. J’ai composé de la musique pour pas mal de jeux qui ne sont pas encore sortis (le développement d’un jeu peut être assez long). “Lords of Xulima” par Numantian Games (Espagne) était mon premier gros projet et c’est celui qui a eu le plus de succès.

J’ai hâte de pouvoir communiquer sur mes projets actuels ! J’ai plein de choses à annoncer, mais dans le jeu vidéo on est souvent tenu au secret et on doit attendre l’accord des studios pour pouvoir en parler.
J’ai aussi eu la grande chance de travailler pour le compositeur Olivier Deriviere comme assistant/Music Editor et ça m’a énormément apporté, musicalement et professionnellement.

IB : Quel est ton quotidien en tant que Compositeur ?

Comme je travaille sur plusieurs projets à la fois, je fais souvent de très grosses journées. Dans les périodes de rush, je travaille pas moins 16 heures par jour, ce qui peut être assez fatiguant. Le travail inclut la composition pure et dure et tout ce qui va avec : orchestration, programmation MIDI, faire des partitions pour les musiciens, enregistrement, mixage, travail sur l’intégration (pour le cas du jeu vidéo). Et puis bien sûr faire les révisions et corrections quand on reçoit les retours des réalisateurs/producteurs/développeurs, etc.
Pour la TV, je travaille en général avec mon éditeur, le réalisateur et le monteur son, en fonction des projets. Pour le jeu vidéo, je travaille avec le creative director/chef de projet sur la direction artistique de la musique, avec les graphistes pour les trailers et cinématiques, et bien évidemment avec les programmeurs sur l’intégration de la musique dans le jeu. L’avantage du jeu indépendant c’est que les jeux sont développés la plupart du temps par des petites équipes et donc on a l’occasion de travailler un peu avec tout le monde.

IB : As-tu une spécialité ?

J’essaie de rester polyvalent un maximum mais je dois avouer que je prends particulièrement plaisir à écrire pour orchestre. C’est d’ailleurs ce qu’on me demande le plus, ça tombe bien ! La musique orchestrale est un peu « à la mode » en ce moment, surtout dans le jeu vidéo où les développeurs veulent s’inspirer d’Hollywood… pour le meilleur et pour le pire ! Mais ce n’est pas étonnant étant donné que l’orchestre dispose d’une palette de couleurs incroyablement riche et émouvante, et si on mélange ça à nos techniques de production musicale actuelles, ça peut vraiment donner des résultats fantastiques. On voit de plus en plus de compositeurs utiliser l’orchestre comme base pour partir sur quelque chose de nouveau, en le mélangeant avec des techniques de production musicale actuelle et je pense que c’est une très bonne direction à prendre. Qu’aurait fait Mozart avec des potards et des faders ? 😉 A côté de l’orchestre j’ai déjà écrit des scores rock, jazz, électro… Je pense que c’est important pour un compositeur d’avoir un côté couteau-suisse pour pouvoir s’adapter à toutes les situations.

IB : Quelles sont tes sources d’inspiration ?

J’écoute énormément de musique classique, principalement baroque (surtout Bach que j’idolâtre à un point presque indécent) et post-romantique (Mahler, Schoenberg, Sibelius, Novak, Shostakovich… il y en a trop pour tous les citer !). Je suis aussi un gros fan de jazz et j’écoute toujours beaucoup de rock, d’électro… Il y a du bon à prendre dans tous les styles de musique et c’est intéressant d’en tirer des styles hybrides pour ne pas tourner en rond.
J’aime aussi travailler sur la narration dans la musique et le parallélisme avec les autres domaines artistique comme le story-telling (développement, climax, etc.) ou l’illustration (contraste des couleurs, etc.). Du coup j’aime bien m’inspirer de peintures ou de récits pour élaborer des formes musicales. Ça reste très abstrait comme source d’inspiration mais ça m’aide à me ressourcer artistiquement. Je suis d’ailleurs loin d’être le seul compositeur à faire ça !

IB : En quoi la formation suivie à ISART t’a aidé à concrétiser ton projet professionnel ?

ISART m’a beaucoup aidé pour mon activité dans le jeu vidéo. Le travail avec les moteurs de jeu et les middlewares audio est quelque chose d’assez particulier qui n’est pas forcément facile à aborder tout seul et le fait d’apprendre ça à ISART a été un confort indéniable. De plus, l’intérêt de l’école est de travailler sur des projets avec les autres étudiants, et il n’y a rien de mieux pour la mise en situation : on se confronte exactement aux mêmes problèmes que “dans la vraie vie”. Comme ça on ne refait plus les mêmes erreurs lorsqu’on bosse sur une production professionnelle !

Nicolas a travaillé sur le jeu “Out of Sight”:

Les étudiants de l’école de jeux vidéo au crédit du jeu :
Producer : Sarah Menager, Game Design : Adrien Chaibi-Merlin, Matthias Fuchs, Game Art : Robin Maulet, Benoît Niedzielski, Game Design & Programming : Thomas Fontaine, Samya Khemri, Music & Sound Design : Nicolas de Ferran

IB : Quels conseils pourrais-tu donner à quelqu’un qui veut devenir Compositeur ?

Être patient, rester humble, travailler beaucoup et être prêt à faire des sacrifices pour y arriver. C’est vraiment un métier génial, mais c’est très difficile et la compétition est rude.
Il faut aussi rester ouvert, se tenir au courant de ce qui se passe dans l’industrie pour laquelle on travaille, ne pas hésiter à se bouger pour aller vers les gens et faire des rencontres.
Je conseille aussi toujours de ne pas hésiter à faire des petits boulots gratuitement : la musique du court-métrage d’un pote, bosser avec des étudiants, etc.
C’est important à la fois pour le portfolio et pour le network. Il faut bien commencer quelque part !
Et bien sûr, il faut avoir de la chance. Mais le truc qui est cool c’est que plus on travaille, plus on a de la chance !

Pour découvrir le travail de Nicolas :
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